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MOUEZH BREIZH, LA VOIX DE LA NATION BRETONNE

Centenaire de la guerre 1914-1918 : l’effroyable boucherie et l’holocauste pour 240 000 Bretons.


Rédigé le Vendredi 17 Mai 2024 à 09:17 | Lu 10 commentaire(s)



in War Raok ! - n° 53 - Décembre 2018

Commémorer, se souvenir, rien de plus respectable. Nous savons qu’un peuple qui n’a plus la mémoire de son Histoire est un peuple qui est appelé à disparaître. Encore, faut-il qu’il y ait une logique dans ce devoir de mémoire. Dans cette commémoration on commémore quoi au juste ? Tout le monde sait que nous commémorons la victoire contre l’Allemagne, la victoire des « forces démocratiques contre les forces totalitaires », le « camp du bien contre celui du mal » et ainsi apporter les bienfaits de la déesse démocratie. On en voit aujourd’hui les merveilleux résultats : une Europe prête pour l’asservissement et la sortie de l’Histoire au profit des nouveaux envahisseurs-colonisateurs. 
L’armistice de 1918 fut suivi du fameux Traité de Versailles, traité punitif pour les vaincus. L’histoire prouvera qu’il n’a surtout pas été un traité de paix puisque vingt-quatre ans plus tard, malheureusement, un nouveau conflit éclatera. 
Il est bon de se souvenir que tant d’années de sacrifices consentis par les Bretons, n’ont pas été payés en retour par une France qui s’est plus comportée en marâtre qu’en mère reconnaissante.
Une guerre fratricide, entre deux peuples qui avaient vocation à se rapprocher, une guerre inutile, une victoire sans résultats autres qu'humilier l'ennemi et préparer le conflit suivant. On a créé l’enfer sur terre pendant plus de quatre ans. La grande guerre, véritable champ d’horreur, fut une guerre d’une absurdité barbare et d’une boucherie mondiale inimaginable.
Boucherie à ciel ouvert, suicide collectif, tranchées, bombes, barbelés, et surtout ces hommes avec la trouille au ventre plus que l’envie d’en découdre, ces hommes terrés, apeurés, côtoyant chaque jour la boue, le froid, les maladies, les rats, les excréments et les corps en décomposition… 
Les guerres de la Révolution française, celles des deux Empires et des Républiques auront été autant d’occasions pour faire passer les Bretons par l’entonnoir de la francisation. Mais ce sont surtout les cinq années de la guerre de 1914-1918, qui vont bouleverser en profondeur toute la société bretonne, la franciser, bien davantage que les quatre siècles écoulés depuis son annexion à la France.
Le peuple breton a payé le prix fort : 240.000 morts, bien qu’aujourd’hui ce chiffre soit contesté par certains historiens. Qu’importe, les faits sont là : la Bretagne, pas plus qu’avec les autres guerres citées, n’y aura gagné quoi que ce soit. Un constat : rien ne vaut une « bonne guerre » pour détruire,  changer la mentalité d’un peuple et lui apprendre à se renier. En ce sens, la première guerre mondiale fut une parfaite réussite.

Les séquelles de la Grande Guerre

 

La Grande Guerre a ruiné l'Europe qui réunissait au XIXème siècle tous les atouts de la prospérité, de la grandeur et de l'harmonie. Pour la première fois dans l'Histoire de l'humanité, des peuples entiers ont été entraînés au combat par des généraux peu soucieux du sang versé. Le conflit a connu les excès habituels à toutes les guerres mais il s'est signalé aussi par la disparition du code de l'honneur aux guerres européennes. Cinquante-deux mois de guerre totale se soldent par un bilan humain catastrophique pour l'Europe. Aux morts des champs de bataille s'ajoutent plus de 20 millions de blessés et de mutilés aux séquelles durables. Les séquelles économiques, humaines et psychologiques de la Grande Guerre vont peser pendant de nombreuses décennies sur les pays belligérants.

Le 2 août 1914, dans toutes les communes de Bretagne, les gens lisent et relisent les affiches de mobilisation. Chacun reste silencieux, planté devant… Stupeur passive dans une dérive isolée. Les Bretons ne réalisent pas le contenu prémonitoire de ces quelques phrases précises et brèves. Le Breton est généralement habitué à obéir, de l’enfance à l’âge mûr. C’est un ordre absolu.

Du beffroi et de tous les clochers de Bretagne, le tocsin ininterrompu emplit l’air d’alarmes. D’un bout à l’autre de notre terre bretonne, dans toutes les villes, dans tous les villages, le même exemple se répète. Dans toutes les gares, au moment des adieux, ceux qui vont être séparés cachent leur désarroi sous des promesses. Nos braves Bretons partent à la guerre quasi-religieusement ! Il y a toujours ce genre d’hommes pour de nouvelles croisades à entreprendre, qu’elles soient dites civilisatrices ou contre la barbarie. Le don de la vie est sacré, gratuit quand l’ombre de la mort plane. Brève illusion d’une guerre joyeuse !

Cette guerre, dans son atroce réalité, précipite les Bretons dans une chute vertigineuse de leurs illusions quant à une victoire rapide et facile. Ceux qui tombent sont enterrés dans les tranchées ou dans les trous d’obus. Ceux qui survivent sont de plus en plus traumatisés par le peu de prix accordé aux vies humaines. Un carnage, un monstrueux et démesuré gaspillage de sang.

En 1915 la guerre se poursuit. Les états-majors comblent sans cesse les vides d’hommes. Les combattants sur le front et leurs familles commencent à mesurer l’étendue du malheur. Désormais toutes les saisons mènent en enfer. Il n’y a plus ni mois, ni année ! Pourtant, dès la fin du mois d’octobre de cette même année, « l’union sacrée », réalisée dans la fièvre de la crise européenne et qui permit cette mobilisation générale dans un véritable climat euphorique, se délie. Au début des hostilités on masque les fautes du haut-commandement et celles des politiciens qui ont intrigué pour certains choix d’officiers arrivistes et surtout incapables. « L’union sacrée » sauve encore la face mais le pouvoir militaire et le pouvoir politique français vont, durant quatre années, se livrer à des luttes sourdes. 

1917, les hostilités prennent un tour nouveau. L’intervention américaine marque des heures décisives. A partir de 1918, dans l’espoir ou le désespoir selon les camps, mais toujours avec la rage d’en finir, les belligérants sont précipités dans une cascade d’armistices. 

11 novembre 1918. Amère victoire, triste jour de gloire. La France est dans tout l’éclat de sa victoire. Les réjouissances spectaculaires tentent de masquer l’oubli du drame, l’oubli des labours encore fumants de l’inexpiable holocauste. Paris et les grandes villes sont en folie jusqu’à l’indécence.

Au cours de cette boucherie, de ce cataclysme, la Bretagne a perdu 240 000 hommes, sans oublier les mutilés et ceux qui vont mourir des suites de blessures ou de maladies contractées au front. Un Breton sur douze habitants va perdre la vie (pour une guerre qui ne le concernait aucunement), un Français sur vingt-huit, un Allemand sur trente-cinq, un Anglais sur soixante-dix, un Italien sur soixante-dix-neuf… Statistiques effroyables. 

Aucune reconnaissance de l’Etat français pour les droits et libertés de la Bretagne…  Cette première Guerre mondiale, qui ne devait durer que quelques semaines, une vraie balade vers Berlin pour récupérer l’Alsace et la Lorraine devait rester l’affaire de la France et n’aurait jamais dû concerner la Bretagne. Les Bretons, dans leur longue histoire indépendante de celle de la France, n’ont jamais eu les Allemands comme ennemis, mais les Anglais et les Français.

C’est la grande désillusion pour un peuple qui a tant souffert. Volontairement oubliés, les Bretons ne bénéficieront pas du changement de structures en Europe accordant à de nombreux peuples la liberté de disposer d’eux-mêmes. Pour les Bretons… c’est le linceul tricolore !  

Pour conclure, en ce centenaire de l’Armistice, on a commémoré les résistances à l’envahisseur d’hier, mais on nous fait obligation d’accepter les envahisseurs d’aujourd’hui, et même de financer notre invasion. On nous parle des luttes pour sauver nos libertés, de luttes contre les dictatures, la barbarie, et nous faisons tout pour implanter chez nous d’autres dictatures, d’autres barbaries, qui demain nous priveront un jour de toutes nos libertés. Alors ! Un peu de logique. Les millions de soldats, dont un grand nombre, et c’est peu dire, de Bretons, envoyés se faire tuer pour arrêter ces invasions germaniques, l’ont été finalement en vain, puisque le sol qu’on leur fit défendre si chèrement est devenu un vaste territoire où viennent s’installer, coloniser d’autres envahisseurs. 

Quelle hypocrisie que ces commémorations qui insultent ainsi le sacrifice de ces pauvres soldats et quelle honte pour ces chefs d’Etat qui appellent et soutiennent de tous leurs vœux la colonisation extra-européenne de leur pays.

 

Rozenn Le Hir et Hervé Pedennlec’h


Note :

Lire dans « Le mémorial des Bretons, 1870-1940 » tome V, les pages consacrées à la Bretagne et à la guerre 14-18 par Ronan Caerléon. 



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